4 février 2013

Petit guide d'une personne au comportement boulimique


Qu’est ce que la boulimie ? 


La boulimie fait partie des pathologies des Troubles des Conduites Alimentaires (TCA). Le comportement boulimique se traduit par des crises de frénésie alimentaire à une fréquence de deux à trois par semaine. Le principe de la crise de boulimie est le suivant : ingurgiter un maximum d’aliments en un minimum de temps. On est bien loin du stéréotype d’une femme mangeant, pour se réconforter, une tablette de chocolat. Ce véritable remplissage pulsionnel est systématiquement suivi d’un comportement compensateur : purge, hyperactivité, jeûne, utilisation de laxatifs… Cette compensation, dans l’esprit d’une personne atteinte par la boulimie, a pour but d’effacer l’acte, de se déculpabiliser face à la prise alimentaire et à maîtriser son poids.

Ce comportement pathologique peut s’expliquer par plusieurs éléments. Tout d’abord, une personne atteinte par la boulimie a une mauvaise image de soi : son image corporelle ne la satisfait jamais. Elle cherche à tout prix à contrôler son poids par la restriction alimentaire. Ainsi, en se privant de certains aliments qu’on qualifie d’ « aliments interdits », son envie de les manger n’en est que plus grande. A force de contenir sa frustration, elle finit par « craquer » et là, vient la crise. On peut également caractériser la crise de boulimie comme un remplissage émotionnel étant donné qu’elle sert souvent à combler un vide, enfouir des angoisses ou palier à de trop fortes émotions. Enfin, le comportement boulimique provient surtout d’une mauvaise estime de soi, d’un mal être intérieur. Ainsi, le comportement boulimique est un système d’autodestruction mis en place par une personne souffrant de troubles psychiques.

La crise de boulimie a pourtant pour premier but de se faire plaisir, de trouver du réconfort ou une sorte d’apaisement. Cependant, ce plaisir est de courte durée (environ 5 minutes) et laisse place à des conséquences beaucoup plus négatives : honte, dégoût de soi, culpabilité, dévalorisation de soi…  Le comportement compensatoire favorise le retour d’une nouvelle crise. Par exemple, en se restreignant ou en jeûnant  le corps et notre esprit nous pousse à de nouveau nous remplir. Ainsi, le comportement boulimique est en quelque sorte un cercle vicieux où la personne par ses crises alimentaires renforce son mal être intérieur. 

Ainsi, le comportement boulimique a de multiples conséquences. Tout d’abord, il entraîne des problèmes de santé chroniques (troubles dentaires, dénutrition…) mais également des complications somatiques aiguës comme l’hypokaliémie. De plus, au niveau psychosocial, cela engendre un isolement car la personne atteinte n’a plus confiance en soi et vit dans un profond malaise. Ses proches n’ont souvent plus confiance en elle car ils redoutent la venue d’une crise donc la surveillent. Cela pousse la personne au mensonge : une énorme culpabilité et un besoin de « s’auto-punir » en découlent.

Face aux conséquences dramatiques de ce comportement, une seule question se pose :


Comment sortir du comportement boulimique ?


Pour atteindre « le mieux vivre », une personne atteinte de TCA passe par ces différentes étapes selon des intervalles de temps différents pour chacun. Le déni est la phase où on ne se considère pas atteint par la pathologie, on ne voit pas son comportement de manière objective ce qui empêche d’enclencher le processus de guérison. Cette étape, souvent difficile pour les proches qui nous entourent, est suivie par le doute. On commence à comprendre qu’on ne va pas forcément bien, on recherche des informations. C’est à cette étape que se prononce le nom du trouble et qu’on accepte de l’entendre : la boulimie. Après cette prise de conscience, malgré que l’on se sente fragile, qu’on ait peur de perdre le contrôle, on commence à se dire (même si on ne sait pas comment) qu’il serait bien que l’on résolve notre problème. On se retrouve donc dans une démarche de soins. Cela nécessite de faire des efforts, de lâcher prise et d’accepter les règles. On se fixe des objectifs et on accepte l’échange avec les soignants c'est-à-dire leur parler pour être entendu mais aussi les écouter pour modifier les pensées « toxiques ». Après avoir choisi des moyens pour atteindre son objectif (la guérison), on doit nécessairement casser ses habitudes ou rituels, remettre en question son fonctionnement et mettre en œuvre de nouvelles techniques. Cet ensemble d’actions permettra ainsi de changer, d’être en bonne santé et de vivre tout simplement.

Nous avons donc décrit, dans les grandes lignes, toutes les étapes à franchir qui mènent à la guérison. Désormais, nous allons vous donner certaines clés pour sortir du comportement boulimique. Tout d’abord, nous poserons des solutions pour éviter la restriction. Ensuite, nous présenterons les moyens pour inhiber les comportements compensateurs. Enfin, la gestion des crises alimentaires sera abordée.

La restriction, l’ennemi bien-aimé à éliminer

La restriction alimentaire fait partie intégrante de la pathologie : c’est la « lune de miel » de la boulimie. On contrôle notre alimentation à la « perfection », on perd du poids, on s’approche peu à peu (sans jamais le toucher) de notre « idéal physique ». Lorsque l’on est en restriction, on sélectionne les aliments que l’on a le droit de manger. La plupart du temps, les « aliments interdits » sont associés à des pensées négatives souvent dévalorisantes (« Je vais devenir énorme si je mange ce carré de chocolat »). Ils sont souvent représentés comme des poisons car on a peur en se les autorisant de déclencher une nouvelle crise (« Je ne peux pas manger du fromage sinon je vais refaire une crise »). La première étape pour sortir de la restriction est de prendre conscience de la sélectivité alimentaire. Est-ce que je ne mange pas de cet aliment parce que je ne l’aime pas ou plutôt parce que j’en ai énormément envie ? C’est là, la question essentielle… Il est également nécessaire de préciser que souvent, la restriction peut concerner une ou plusieurs catégories d’aliments (exemple : féculents, protéines animales…). Or, l’Homme a besoin de toutes ces catégories de nutriments pour que son métabolisme fonctionne correctement : il devient donc urgent de les réintégrer à votre alimentation !

Après avoir repéré vos aliments interdits, commencez la réintroduction. Lorsque vous mangez pour la première fois un de vos aliments interdits, la « voix » de la pathologie vous criera très fort que vous prenez un énorme risque, « que c’est mal »… Peu à peu, à force d’efforts, cette voix sera moins forte et vous pourrez tout simplement apprécier les aliments qui vous font plaisir. La restriction alimentaire est qualitative mais aussi quantitative. Souvent, les personnes aux comportements boulimiques n’ont plus de sensations alimentaires (la faim, la satiété). Cette perte de sensations est due notamment à nos pensées toxiques qui poussent notre cerveau à zapper ces signaux. Prendre un repas, sans sensation alimentaire, devient difficile mais vous devez prendre l’initiative de manger en quantité suffisante. Lorsque votre corps n’est pas assez nourri, il réclame la nourriture de plus en plus fort (comme un bébé qui pleure) ainsi si vous ne l’écoutez pas, la pulsion vers la nourriture n’est que plus forte. Il est donc nécessaire de manger en quantité suffisante pour sortir du schéma boulimique. Au début, les soignants vous aiguilleront sur la quantité à prendre puis peu à peu, vous aurez l’image de l’assiette qu’il vous faut.

Sortir de la restriction est une étape certes difficile, on prend conscience qu’on ne pourra pas ressembler à la personne de nos rêves, mais, néanmoins fondamentale pour abandonner le comportement pathologique. Il faut éliminer la pensée que « c’est en se restreignant qu’on ne fera pas de crise ». Vous pensez que la restriction vous protège de la crise mais en réalité, c’est un faux-ami, elle ne fait que vous y pousser.


Se nourrir puis compenser : quels intérêts ?

Une habitude, un rituel… La compensation fait partie intégrante du cercle infernal de la boulimie. Elle peut prendre toutes les formes : vomissements, jeûne, laxatifs, hyperactivité. C’est systématique, obligatoire ; on ne peut rien faire pour changer ce fonctionnement. Vraiment ? On ne peut rien y faire ? Vous êtes sûrs ? Nous allons prendre l’exemple d’une voiture. Lorsqu’on fait le plein à la station essence, c’est pour pouvoir faire des kilomètres, tranquilles, s’évader, partir à l’aventure. Maintenant, ramenons cela à la nourriture. On mange pour pouvoir vivre notre vie sans chute ou vertige. Si on mange pour après éliminer (ou compenser), on peut se poser la question : mais où est la vie, là-dedans ? Est-ce que je dois me battre pour éliminer la nourriture de mon corps pour pouvoir vivre ? La nourriture ne doit-elle pas être mon « partenaire » dans la vie ? Une fois que l’on s’est posé toutes ces questions, on peut peut-être prendre conscience que ce rituel ne rime à rien et qu’au contraire il nous écarte de la vie.

Maintenant, il ne vous reste plus qu’à éradiquer cette sale habitude. Le vomissement, après un repas, vous procure peut-être un soulagement mais est ce que cette petite minute de « bien » vaut vraiment le coup pour toutes les conséquences cliniques qu’elle entraîne ? On peut par exemple citer : les troubles dentaires, l’hypokaliémie qui peut mener à la crise cardiaque… La meilleure chose à faire, c’est de décider d’arrêter. Pour casser cette habitude, les soignants sont là : attendre 30 minutes après le repas, fermer la salle de bains… Les outils sont mis à votre disposition, il vous suffit de les prendre en main ! Est-il rationnel de sauter plusieurs repas après une crise alimentaire ? Vous forcez votre organisme à inhiber votre sensation de faim. C’est un combat épuisant qui ne vous dirige vers un seul chemin : une nouvelle crise. Il serait donc quand même plus simple d’oublier la dernière prise alimentaire et de manger une ration normale. Vous pensez peut-être que le sport est un véritable plaisir pour vous, que c’est le seul moyen pour vous détendre après une prise alimentaire… Maintenant, posez-vous et réfléchissez. Est-ce que faire du sport à un tel rythme est vraiment une partie de plaisir ? Est-ce que l’envie de « bouger » ne succède-elle pas à la culpabilité de manger ? Vous n’avez pas fait du sport votre métier, il doit rester un loisir ! Alors, à chaque fois que vous mettez vos baskets, réfléchissez si cela sera un loisir ou une obligation.

Votre valeur ne dépend pas de votre capacité sportive, votre poids… Vous êtes avant tout quelqu’un d’authentique pas une série de deux chiffres. Oublier un peu de faire le vide dans votre estomac, remplissez vous au contraire de toutes les petites choses de la vie. Il existe de nombreuses manières de se faire plaisir, il vous suffit juste de trouver celles qui vous conviennent.


Pour que la crise se transforme en excès-plaisir

L’envie de faire une crise est de l’ordre de la pulsion ; on perd totalement le contrôle de nous-même pour se jeter sur la nourriture. Si on y regarde de plus près, l’envie de faire une crise provient souvent des comportements antérieurs (restrictions qualitatives et/ou quantitatives) ou encore d’un surplus d’émotions, bien souvent négatives. Lorsqu’on sent la pulsion monter, la meilleure chose à faire est de réfléchir. Ca paraît impossible à réaliser mais pourtant plus le temps passe plus l’intensité de la crise diminue. On peut le décrire comme ceci :
Vous allez donc chercher à retarder au maximum la pulsion. Pour cela, essayez d’analyser vos pensées et vos émotions qui vous entraînent vers la crise alimentaire. Ensuite, vous pouvez essayer de vous rappeler tout ce qu’entraine de négatif une crise : douleur, culpabilité, honte, angoisses, fatigue (si vomissement)… Ainsi, faire une crise ne résout en rien votre mal-être et vous entraîne plutôt vers d’autres problèmes. Enfin, vous pouvez choisir une autre alternative parmi les « solutions alternatives ». Cela peut être parler à une personne de confiance, écrire, faire une activité artistique qui vous procure du plaisir et de l’apaisement. Toutes ces solutions alternatives doivent être établies bien avant que l’envie de crise ne vous vienne. C’est toujours mieux de l’avoir préparée pour pouvoir l’utiliser quand la panique s’empare de vous. Si vous ne réussissez pas à éloigner cette pulsion, ce n’est pas grave, ce n’est pas parce qu’ « une fois, on y arrive pas que l’on n’y arrivera jamais ». Il faut surtout apprendre à remonter la pente lorsqu’on a fait notre crise, c'est-à-dire ne pas la considérer comme une catastrophe et s’interdire le retour dans le cercle vicieux restriction/compensation. Cette perte de contrôle n’enlève rien à votre véritable valeur, votre monde ne s’écroule pas avec cette petite « erreur de parcours ».

 Dans l’Aile Papillon, le Docteur Sultan a mis en place les « crisettes ». La crisette consiste à manger 3 ou 4 aliments interdits dans votre chambre, seule ou accompagnée d’un soignant. Il est utile de le faire en pleine conscience pour éviter d’être en prise à une trop forte émotion. Vous vivez, en fait, l’expérience d’une « crise » à tête reposée. Cet exercice vous permet, tout d’abord, de relativiser par rapport à vos aliments interdits : finalement, ils n’ont pas un « pouvoir » sur vous, ce sont juste des aliments, un point c’est tout. Vous pourrez vous centrer sur vous et analyser ce que vous ressentez en toute tranquillité. Ces crisettes vous sont aussi nécessaires pour pouvoir relativiser par rapport aux crises mais aussi comprendre qu’on peut trouver un certain réconfort et plaisir avec quelques aliments. Vous arriverez donc à diminuer la quantité avalée pour trouver un juste milieu entre vos besoins et votre envie. Enfin, ces « mini-crises » vous apprennent à casser le cercle vicieux de la restriction/compensation. Peu à peu, à force d’entraînement, vous arriverez à relativiser par rapport à votre prise alimentaire et finalement, vous vous concentrerez sur les choses importantes de la vie, plutôt que la quantité de calories que vous avez ingurgitées. Ainsi, en gérant vos crises, vous découvrirez que vous pouvez vous faire plaisir avec la nourriture tout simplement.


Comment on s’en débarrasse ?

Ce petit guide vous a donc renseigné sur ce qu’était exactement la boulimie et vous a également présenté quelques outils pour vous en sortir. Cependant, un point reste à traiter : l’estime de soi et la confiance en soi. Pour résoudre cela, la tâche n’est pas aisée… Cette amélioration de l’estime de soi est permise grâce aux entretiens avec le personnel soignant, qui vous apprend à vous accepter tel que vous êtes et surtout à surmonter vos peurs. Ils seront à votre écoute pour vos confidences mais vous permettront aussi de porter un nouveau regard sur vous-même. Oublier un peu la perfection, accepter vos défauts, ne pas rejeter votre vraie nature… Votre valeur n’est pas écrite par les deux minuscules chiffres sur la balance mais plutôt par ce que vous êtes à l’intérieur de vous, autrement dit votre personnalité qui vous rend unique. Dans l’unité « Aile Papillon », vous allez pouvoir vous retrouver face à vous-même et donc vous redécouvrir. Cette redécouverte vous permettra de vous regarder sans honte face au miroir parce que, finalement, vous prendrez conscience que vous êtes quelqu’un de bien. Ainsi, vous pourrez  faire la paix avec vous-même. Ce travail personnel est long et très difficile mais le jeu en vaut la chandelle. C’est un combat de tous les jours : il n’y a pas de bouton ON/OFF pour la « voix » de la pathologie. Cependant vous apprendrez à l’identifier et à passer à autre chose plutôt qu’à l’écouter. Finalement, vous ne trouverez plus aucun intérêt à garder la boulimie avec vous et c’est vous qui la lâcherez.


Marlène , un papillon qui s’est envolé.

2 commentaires:

  1. J'ai pensé que cela serait peut-être intéressant de propser sur votre blog une rubrique "bibliographie" avec des livres qui ont aidé et qui aident encore par des "mots" à soigner nos "maux"...
    Pour ma part, je conseille à toutes de lire:
    -"Faire face à l'anorexie/boulimie" (Dr Perroud)
    -"Légère comme un papillon" (Michela Marzano): un livre fabuleux...
    -"Un corps parfait" (Eve Ensler)

    Bon courage à toutes et plein de battements d'ailes pour les papillons que vous êtes!! (et bonjour aussi à l'équipe soignante dont Dr Sultan, Dr Dupuis et Sabrina...)

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  2. Marlène, merci pour cet article. Il est plein de sagesse et de sincérité, et surtout, je suis heureuse de pouvoir comprendre les moyens que nous avons pour nous en sortir, de ne plus considérer que la guérison est impossible. Je reviendrai le consulter à chaque fois que j'en aurais besoin.

    Fanny

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