Qu’est ce que la boulimie ?
La
boulimie fait partie des pathologies des Troubles des Conduites Alimentaires
(TCA). Le comportement boulimique se traduit par des crises de frénésie alimentaire
à une fréquence de deux à trois par semaine. Le principe de la crise de
boulimie est le suivant : ingurgiter un maximum d’aliments en un minimum
de temps. On est bien loin du stéréotype d’une femme mangeant, pour se
réconforter, une tablette de chocolat. Ce véritable remplissage pulsionnel est
systématiquement suivi d’un comportement compensateur : purge,
hyperactivité, jeûne, utilisation de laxatifs… Cette compensation, dans
l’esprit d’une personne atteinte par la boulimie, a pour but d’effacer l’acte,
de se déculpabiliser face à la prise alimentaire et à maîtriser son poids.
Ce
comportement pathologique peut s’expliquer par plusieurs éléments. Tout
d’abord, une personne atteinte par la boulimie a une mauvaise image de soi :
son image corporelle ne la satisfait jamais. Elle cherche à tout prix à
contrôler son poids par la restriction alimentaire. Ainsi, en se privant de
certains aliments qu’on qualifie d’ « aliments interdits », son envie
de les manger n’en est que plus grande. A force de contenir sa frustration,
elle finit par « craquer » et là, vient la crise. On peut également
caractériser la crise de boulimie comme un remplissage émotionnel étant donné
qu’elle sert souvent à combler un vide, enfouir des angoisses ou palier à de trop
fortes émotions. Enfin, le comportement boulimique provient surtout d’une
mauvaise estime de soi, d’un mal être intérieur. Ainsi, le comportement
boulimique est un système d’autodestruction mis en place par une personne
souffrant de troubles psychiques.
La
crise de boulimie a pourtant pour premier but de se faire plaisir, de trouver
du réconfort ou une sorte d’apaisement. Cependant, ce plaisir est de courte
durée (environ 5 minutes) et laisse place à des conséquences beaucoup plus
négatives : honte, dégoût de soi, culpabilité, dévalorisation de soi… Le comportement compensatoire favorise le
retour d’une nouvelle crise. Par exemple, en se restreignant ou en jeûnant le
corps et notre esprit nous pousse à de nouveau nous remplir. Ainsi, le
comportement boulimique est en quelque sorte un cercle vicieux où la personne
par ses crises alimentaires renforce son mal être intérieur.
Ainsi,
le comportement boulimique a de multiples conséquences. Tout d’abord, il entraîne des problèmes de santé chroniques (troubles dentaires,
dénutrition…) mais également des complications somatiques aiguës comme
l’hypokaliémie. De plus, au niveau psychosocial, cela engendre un isolement car
la personne atteinte n’a plus confiance en soi et vit dans un profond malaise.
Ses proches n’ont souvent plus confiance en elle car ils redoutent la venue
d’une crise donc la surveillent. Cela pousse la personne au mensonge : une
énorme culpabilité et un besoin de « s’auto-punir » en découlent.
Face
aux conséquences dramatiques de ce comportement, une seule question se
pose :
Comment sortir du comportement
boulimique ?
Pour
atteindre « le mieux vivre », une personne atteinte de TCA passe
par ces différentes étapes selon des intervalles de temps différents pour
chacun. Le déni est la phase où on ne se considère pas atteint par la
pathologie, on ne voit pas son comportement de manière objective ce qui empêche
d’enclencher le processus de guérison. Cette étape, souvent difficile pour les
proches qui nous entourent, est suivie par le doute. On commence à comprendre
qu’on ne va pas forcément bien, on recherche des informations. C’est à cette
étape que se prononce le nom du trouble et qu’on accepte de l’entendre :
la boulimie. Après cette prise de conscience, malgré que l’on se sente fragile,
qu’on ait peur de perdre le contrôle, on commence à se dire (même si on ne sait
pas comment) qu’il serait bien que l’on résolve notre problème. On se retrouve
donc dans une démarche de soins. Cela nécessite de faire des efforts, de lâcher
prise et d’accepter les règles. On se fixe des objectifs et on accepte
l’échange avec les soignants c'est-à-dire leur parler pour être entendu mais
aussi les écouter pour modifier les pensées « toxiques ». Après avoir
choisi des moyens pour atteindre son objectif (la guérison), on doit
nécessairement casser ses habitudes ou rituels, remettre en question son
fonctionnement et mettre en œuvre de nouvelles techniques. Cet ensemble
d’actions permettra ainsi de changer, d’être en bonne santé et de vivre tout
simplement.
Nous
avons donc décrit, dans les grandes lignes, toutes les étapes à franchir qui
mènent à la guérison. Désormais, nous allons vous donner certaines clés pour
sortir du comportement boulimique. Tout d’abord, nous poserons des solutions
pour éviter la restriction. Ensuite, nous présenterons les moyens pour inhiber
les comportements compensateurs. Enfin, la gestion des crises alimentaires sera
abordée.
La restriction, l’ennemi bien-aimé à
éliminer
La
restriction alimentaire fait partie intégrante de la pathologie : c’est la
« lune de miel » de la boulimie. On contrôle notre alimentation à la
« perfection », on perd du poids, on s’approche peu à peu (sans
jamais le toucher) de notre « idéal physique ». Lorsque l’on est en
restriction, on sélectionne les aliments que l’on a le droit de manger. La
plupart du temps, les « aliments interdits » sont associés à des
pensées négatives souvent dévalorisantes (« Je vais devenir énorme si je
mange ce carré de chocolat »). Ils sont souvent représentés comme des
poisons car on a peur en se les autorisant de déclencher une nouvelle crise
(« Je ne peux pas manger du fromage sinon je vais refaire une
crise »). La première étape pour sortir de la restriction est de prendre
conscience de la sélectivité alimentaire. Est-ce que je ne mange pas de cet
aliment parce que je ne l’aime pas ou plutôt parce que j’en ai énormément
envie ? C’est là, la question essentielle… Il est également nécessaire de
préciser que souvent, la restriction peut concerner une ou plusieurs catégories
d’aliments (exemple : féculents, protéines animales…). Or, l’Homme a
besoin de toutes ces catégories de nutriments pour que son métabolisme
fonctionne correctement : il devient donc urgent de les réintégrer à votre
alimentation !
Après
avoir repéré vos aliments interdits, commencez la réintroduction. Lorsque vous
mangez pour la première fois un de vos aliments interdits, la
« voix » de la pathologie vous criera très fort que vous prenez un
énorme risque, « que c’est mal »… Peu à peu, à force d’efforts, cette
voix sera moins forte et vous pourrez tout simplement apprécier les aliments
qui vous font plaisir. La restriction alimentaire est qualitative mais aussi quantitative.
Souvent, les personnes aux comportements boulimiques n’ont plus de sensations
alimentaires (la faim, la satiété). Cette perte de sensations est due notamment
à nos pensées toxiques qui poussent notre cerveau à zapper ces signaux. Prendre
un repas, sans sensation alimentaire, devient difficile mais vous devez prendre
l’initiative de manger en quantité suffisante. Lorsque votre corps n’est pas
assez nourri, il réclame la nourriture de plus en plus fort (comme un bébé qui
pleure) ainsi si vous ne l’écoutez pas, la pulsion vers la nourriture n’est que
plus forte. Il est donc nécessaire de manger en quantité suffisante pour sortir
du schéma boulimique. Au début, les soignants vous aiguilleront sur la quantité
à prendre puis peu à peu, vous aurez l’image de l’assiette qu’il vous faut.
Sortir
de la restriction est une étape certes difficile, on prend conscience qu’on ne
pourra pas ressembler à la personne de nos rêves, mais, néanmoins fondamentale
pour abandonner le comportement pathologique. Il faut éliminer la pensée que « c’est
en se restreignant qu’on ne fera pas de crise ». Vous pensez que la
restriction vous protège de la crise mais en réalité, c’est un faux-ami, elle
ne fait que vous y pousser.
Se nourrir puis compenser :
quels intérêts ?
Une
habitude, un rituel… La compensation fait partie intégrante du cercle infernal
de la boulimie. Elle peut prendre toutes les formes : vomissements, jeûne,
laxatifs, hyperactivité. C’est systématique, obligatoire ; on ne peut rien
faire pour changer ce fonctionnement. Vraiment ? On ne peut rien y
faire ? Vous êtes sûrs ? Nous allons prendre l’exemple d’une voiture.
Lorsqu’on fait le plein à la station essence, c’est pour pouvoir faire des
kilomètres, tranquilles, s’évader, partir à l’aventure. Maintenant, ramenons
cela à la nourriture. On mange pour pouvoir vivre notre vie sans chute ou
vertige. Si on mange pour après éliminer (ou compenser), on peut se poser la
question : mais où est la vie, là-dedans ? Est-ce que je dois me
battre pour éliminer la nourriture de mon corps pour pouvoir vivre ? La
nourriture ne doit-elle pas être mon « partenaire » dans la
vie ? Une fois que l’on s’est posé toutes ces questions, on peut peut-être
prendre conscience que ce rituel ne rime à rien et qu’au contraire il nous
écarte de la vie.
Maintenant,
il ne vous reste plus qu’à éradiquer cette sale habitude. Le vomissement, après
un repas, vous procure peut-être un soulagement mais est ce que cette petite
minute de « bien » vaut vraiment le coup pour toutes les conséquences
cliniques qu’elle entraîne ? On peut par exemple citer : les troubles
dentaires, l’hypokaliémie qui peut mener à la crise cardiaque… La meilleure
chose à faire, c’est de décider d’arrêter. Pour casser cette habitude, les
soignants sont là : attendre 30 minutes après le repas, fermer la salle de
bains… Les outils sont mis à votre disposition, il vous suffit de les prendre
en main ! Est-il rationnel de sauter plusieurs repas après une crise
alimentaire ? Vous forcez votre organisme à inhiber votre sensation de
faim. C’est un combat épuisant qui ne vous dirige vers un seul chemin :
une nouvelle crise. Il serait donc quand même plus simple d’oublier la dernière
prise alimentaire et de manger une ration normale. Vous pensez peut-être que le
sport est un véritable plaisir pour vous, que c’est le seul moyen pour vous détendre
après une prise alimentaire… Maintenant, posez-vous et réfléchissez. Est-ce que
faire du sport à un tel rythme est vraiment une partie de plaisir ? Est-ce
que l’envie de « bouger » ne succède-elle pas à la culpabilité de
manger ? Vous n’avez pas fait du sport votre métier, il doit rester un
loisir ! Alors, à chaque fois que vous mettez vos baskets, réfléchissez si
cela sera un loisir ou une obligation.
Votre
valeur ne dépend pas de votre capacité sportive, votre poids… Vous êtes avant
tout quelqu’un d’authentique pas une série de deux chiffres. Oublier un peu de
faire le vide dans votre estomac, remplissez vous au contraire de toutes les
petites choses de la vie. Il existe de nombreuses manières de se faire plaisir,
il vous suffit juste de trouver celles qui vous conviennent.
Pour que la crise se transforme en
excès-plaisir
L’envie
de faire une crise est de l’ordre de la pulsion ; on perd totalement le
contrôle de nous-même pour se jeter sur la nourriture. Si on y regarde de plus
près, l’envie de faire une crise provient souvent des comportements antérieurs
(restrictions qualitatives et/ou quantitatives) ou encore d’un surplus
d’émotions, bien souvent négatives. Lorsqu’on sent la pulsion monter, la
meilleure chose à faire est de réfléchir. Ca paraît impossible à réaliser mais
pourtant plus le temps passe plus l’intensité de la crise diminue. On peut le
décrire comme ceci :
Vous
allez donc chercher à retarder au maximum la pulsion. Pour cela, essayez
d’analyser vos pensées et vos émotions qui vous entraînent vers la crise
alimentaire. Ensuite, vous pouvez essayer de vous rappeler tout ce qu’entraine
de négatif une crise : douleur, culpabilité, honte, angoisses, fatigue (si
vomissement)… Ainsi, faire une crise ne résout en rien votre mal-être et vous
entraîne plutôt vers d’autres problèmes. Enfin, vous pouvez choisir une autre
alternative parmi les « solutions alternatives ». Cela peut être
parler à une personne de confiance, écrire, faire une activité artistique qui
vous procure du plaisir et de l’apaisement. Toutes ces solutions alternatives
doivent être établies bien avant que l’envie de crise ne vous vienne. C’est
toujours mieux de l’avoir préparée pour pouvoir l’utiliser quand la panique
s’empare de vous. Si vous ne réussissez pas à éloigner cette pulsion, ce n’est
pas grave, ce n’est pas parce qu’ « une fois, on y arrive pas que
l’on n’y arrivera jamais ». Il faut surtout apprendre à remonter la pente
lorsqu’on a fait notre crise, c'est-à-dire ne pas la considérer comme une
catastrophe et s’interdire le retour dans le cercle vicieux
restriction/compensation. Cette perte de contrôle n’enlève rien à votre
véritable valeur, votre monde ne s’écroule pas avec cette petite « erreur
de parcours ».
Dans l’Aile Papillon, le Docteur Sultan a mis
en place les « crisettes ». La crisette consiste à manger 3 ou 4
aliments interdits dans votre chambre, seule ou accompagnée d’un soignant. Il
est utile de le faire en pleine conscience pour éviter d’être en prise à une
trop forte émotion. Vous vivez, en fait, l’expérience d’une « crise »
à tête reposée. Cet exercice vous permet, tout d’abord, de relativiser par
rapport à vos aliments interdits : finalement, ils n’ont pas un
« pouvoir » sur vous, ce sont juste des aliments, un point c’est
tout. Vous pourrez vous centrer sur vous et analyser ce que vous ressentez en
toute tranquillité. Ces crisettes vous sont aussi nécessaires pour pouvoir relativiser
par rapport aux crises mais aussi comprendre qu’on peut trouver un certain
réconfort et plaisir avec quelques aliments. Vous arriverez donc à diminuer la
quantité avalée pour trouver un juste milieu entre vos besoins et votre envie. Enfin,
ces « mini-crises » vous apprennent à casser le cercle vicieux de la
restriction/compensation. Peu à peu, à force d’entraînement, vous arriverez à
relativiser par rapport à votre prise alimentaire et finalement, vous vous
concentrerez sur les choses importantes de la vie, plutôt que la quantité de
calories que vous avez ingurgitées. Ainsi, en gérant vos crises, vous
découvrirez que vous pouvez vous faire plaisir avec la nourriture tout
simplement.
Comment on s’en débarrasse ?
Ce
petit guide vous a donc renseigné sur ce qu’était exactement la boulimie et
vous a également présenté quelques outils pour vous en sortir. Cependant, un point
reste à traiter : l’estime de soi et la confiance en soi. Pour résoudre
cela, la tâche n’est pas aisée… Cette amélioration de l’estime de soi est
permise grâce aux entretiens avec le personnel soignant, qui vous apprend à
vous accepter tel que vous êtes et surtout à surmonter vos peurs. Ils seront à
votre écoute pour vos confidences mais vous permettront aussi de porter un
nouveau regard sur vous-même. Oublier un peu la perfection, accepter vos
défauts, ne pas rejeter votre vraie nature… Votre valeur n’est pas écrite par
les deux minuscules chiffres sur la balance mais plutôt par ce que vous êtes à
l’intérieur de vous, autrement dit votre personnalité qui vous rend unique.
Dans l’unité « Aile Papillon », vous allez pouvoir vous retrouver
face à vous-même et donc vous redécouvrir. Cette redécouverte vous permettra de
vous regarder sans honte face au miroir parce que, finalement, vous prendrez
conscience que vous êtes quelqu’un de bien. Ainsi, vous pourrez faire la paix avec vous-même. Ce travail
personnel est long et très difficile mais le jeu en vaut la chandelle. C’est un
combat de tous les jours : il n’y a pas de bouton ON/OFF pour la
« voix » de la pathologie. Cependant vous apprendrez à l’identifier
et à passer à autre chose plutôt qu’à l’écouter. Finalement, vous ne trouverez
plus aucun intérêt à garder la boulimie avec vous et c’est vous qui la lâcherez.
Marlène ,
un papillon qui s’est envolé.
J'ai pensé que cela serait peut-être intéressant de propser sur votre blog une rubrique "bibliographie" avec des livres qui ont aidé et qui aident encore par des "mots" à soigner nos "maux"...
RépondreSupprimerPour ma part, je conseille à toutes de lire:
-"Faire face à l'anorexie/boulimie" (Dr Perroud)
-"Légère comme un papillon" (Michela Marzano): un livre fabuleux...
-"Un corps parfait" (Eve Ensler)
Bon courage à toutes et plein de battements d'ailes pour les papillons que vous êtes!! (et bonjour aussi à l'équipe soignante dont Dr Sultan, Dr Dupuis et Sabrina...)
Marlène, merci pour cet article. Il est plein de sagesse et de sincérité, et surtout, je suis heureuse de pouvoir comprendre les moyens que nous avons pour nous en sortir, de ne plus considérer que la guérison est impossible. Je reviendrai le consulter à chaque fois que j'en aurais besoin.
RépondreSupprimerFanny